Boris Johnson, maire de Londres pour le Brexit
21 février 2016Moins d’Europe et plus de politique intérieure. Le référendum britannique du 23 juin sur le maintien ou non dans l’Union européenne (UE) risque de se jouer moins sur la relation avec l’Europe que sur le nom du futur premier ministre, après l’annonce dimanche 21 février par le maire de Londres, Boris Johnson, de sa décision de faire campagne pour le « Brexit » (« British exit » ou sortie de l’UE). Moins de 48 heures après que David Cameron a obtenu un accord à Bruxelles sur les réformes qu’il exigeait pour entrer lui-même en campagne pour le « in » (maintien dans l’UE), Boris Johnson, figure des Tories et l’un de ses amis politiques les plus proches, passe dans le camp adverse et lui lance un double défi : pour le leadership du parti conservateur, et pour la succession à Downing Street. De ce fait, les concessions péniblement arrachées aux 27 partenaires de l’UE passent au second plan.
« Je ferai campagne pour sortir de l’UE parce que je veux un meilleur contrat pour le peuple de ce pays, pour qu’il économise de l’argent et reprenne le contrôle », a déclaré M. Johnson, dimanche en fin d’après-midi, après un faux suspense médiatique qui a brouillé le début de campagne du premier ministre. «Je souhaite une nouvelle relation [avec l’UE] davantage basée sur le commerce, la coopération, avec beaucoup moins de contenu supranational », a lancé le maire devant son domicile du nord de Londres, vêtu d’un costume-cravate et coiffé, alors qu’il apparaît souvent ébouriffé et en doudoune. « Il ne faut pas confondre les merveilles de l’Europe, les vacances en Europe, la nourriture fantastique et les amitiés avec un projet politique qui est en marche depuis des décennies et menace maintenant d’échapper au contrôle démocratique », s’est-t-il encore justifié.
Le parti conservateur affaibli
Alors qu’il a renoncé à briguer un troisième mandat de maire en mai prochain et ne cache ni son vif euroscepticisme ni ses ambitions de succéder à M. Cameron, celui que les Britanniques nomment couramment « Boris » a affirmé que sa décision avait été « atrocement difficile » à prendre. Il a même assuré que son choix lui avait causé « beaucoup de maux de tête » car « la dernière chose qu’[il] voulait était de s’opposer à David Cameron ou au gouvernement ». De façon appuyée, il a été jusqu’à rendre hommage au premier ministre : «Compte tenu du temps qu’il avait, [il] s’est très bien débrouillé » dans sa renégociation avec ses partenaires européens, a salué M. Johnson. « Mais je pense que personne ne peut prétendre que [cet accord] est une réforme fondamentale de l’UE ou de la relation de la Grande-Bretagne avec l’UE », a-t-il estimé. David Cameron a affirmé voici quelques semaines qu’il entendait rester premier ministre si le « out » l’emportait. La décision de M. Johnson rend cette hypothèse peu probable, tant un vote en faveur du « Brexit » poserait la question de la direction des Tories et du pays.
La principale motivation mise en avant par le maire de Londres concerne la souveraineté du Royaume-Uni. Pour M. Johnson, le projet politique européen «court le danger d’échapper à un contrôle démocratique normal ». « La souveraineté est la possibilité pour les gens de contrôler leurs vies et de s’assurer que leurs élus peuvent voter les lois qui les concernent. L’ennui est qu’avec l’Europe, cela est en train d’être gravement rogné », a-t-il déclaré.
Johnson à la tête du camp du « out »
La défection de M. Johnson constitue un lourd revers pour David Cameron et le camp du « in ». Les partisans du « Brexit » manquaient jusqu’à présent d’un porte-parole de poids et menaçaient d’être conduits par le leader d’extrême-droite Nigel Farage. Le talent de bateleur de « Boris » pourrait faire la différence. Une très récente enquête d’opinion indiquait que l’avis de M. Johnson serait « important » dans le choix de 32 % des électeurs (44 % pour M. Cameron). Selon le premier sondage réalisé depuis l’accord de Bruxelles pour le Mail on Sunday, 48 % des Britanniques ne veulent pas quitter l’UE, 33 % sont pro-« Brexit » et 19 % sont encore indécis. Mais la personnalité fantasque et l’opportunisme politique de M. Johnson agace d’autre part bien des Britanniques.
La fracture du parti conservateur, que M. Cameron ambitionne de réduire avec son référendum, apparaît plus ouverte que jamais. Le maire de Londres rejoint en effet dans le camp du « out » cinq ministres – dont le titulaire du portefeuille de la justice, Michael Gove, ami personnel de Cameron –, et le candidat conservateur à la mairie, Zac Goldsmith.
Dimanche matin, David Cameron, lors d’une émission télévisée très regardée qui a signé son entrée en campagne pour le « in », avait tenté de retenir son ami « Boris » « Je voudrais dire à Boris ce que je dis à tout le monde, à savoir que nous serons plus en sécurité, plus forts et plus prospères dans l’Union européenne ». Lors de cette apparition, le premier ministre a qualifié à plusieurs reprises la sortie de l’UE de « saut dans le vide ».
Dimanche soir, Downing Street a réagi de façon laconique à la « sortie » de Boris Johnson. « Notre message à chacun est que nous souhaitons que la Grande-Bretagne ait le meilleur des deux mondes : tous les avantages des emplois et des investissements liés à l’appartenance à l’UE, sans les inconvénients de l’euro et des frontières ouvertes. » Le nom du dissident « Boris », dont la décision est une bénédiction pour la campagne adverse, n’était évidemment pas cité.