Éligibilité de Ouattara: Meïté Ben Abdoulaye ruine les espoirs de Bédié, Soro et Eds
12 septembre 2020Une polémique sur la date tardive de la démission ou de la lettre de renonciation envahit l’opinion publique à partir du 31 juillet 2020.
Interrogé sur la question, Coulibaly Kuibiert Ibrahim Président de la Cei, avait réagi le 4 août 2020 en disant qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur l’inéligibilité ou l’éligibilité de Henri Konan Bédié, et que cela revenait au Conseil Constitutionnel. Le jeudi 11 septembre 2020, lors d’une présentation orale d’observations des parties devant le conseil constitutionnel, la question refait surface. L’audience avait eu lieu suite à la requête faite par le Pdci, Eds et d’autres partis ou groupements politiques contre la candidature du Président Alassane Ouattara. La requête de ces partis politiques contre le candidat Rhdp avaient avait été abondamment diffusée dans des médias. L’Intelligent d’Abidjan a pu obtenir une copie de la réplique de Abdoulaye Ben Meïté, avocat du candidat Alassane Ouattara, qui a mis le feu aux poudres au niveau des débats au Conseil constitutionnel. Son angle d’attaque a conduit l’institution à servir aux parties la lettre du président Bédié , au grand dam des avocats de Guillaume Soro et de Gps qui se sont joints à la requête du président Bédié pour contester l’éligibilité du candidat du Rhdp, Alassane Ouattara. Ci dessous la réplique en intégralité
OBSERVATIONS EN REPLIQUE
POUR :
Monsieur Alassane OUATTARA
Candidat à la candidature de l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020
Ayant pour Conseil : la Société Civile Professionnelle d’Avocats KEBET &
MEITE, Avocats au Barreau de Côte d’Ivoire
CONTRE :
1- Le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire- Rassemblement Démocratique Africain -en abrégé « PDCI-RDA »
Parti politique ayant déclaré investir Monsieur BEDIE Konan Henri
2- Monsieur BÉDIÉ Konan Aimé Henri
Candidat à la candidature de l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020
3- Génération et Peuples Solidaires- en abrégé GPS
Mouvement citoyen ayant déclaré investir Monsieur SORO Kigbafori Guillaume
4- Monsieur SORO Kigbafori Guillaume
Candidat à la candidature de l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020
Tous ayant pour Conseils :
– Maître MESSAN Tompieu Nicolas, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire
– Maître SUY BI Gohoré Emile, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire
– Maître Emmanuel Masrsigny, Avocat au Barreau de Paris
– Maître Romain DUPEYRE, Avocat au Barreau de Paris
– Maître DIALLO Souleymane, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire
– Maître Robin BINSARD, Avocat au Barreau de Paris
– Maître Affoussy BAMBA, Avocate au Barreau de Paris
5- Front Populaire Ivoirien en abrégé FPI
Parti politique ayant déclaré investir Monsieur AFFI N’Guessan Pascal
6- Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté en abrégé EDS
Association de droit privé ayant déclaré investir Monsieur Laurent GBAGBO
7- Monsieur SOKO Waza Théophile
Candidat à la candidature de l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020
PLAISE A MESDAMES ET MESSIEURS LES PRESIDENTS ET HAUTS CONSEILLERS COMPOSANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE COTE D’IVOIRE
La haute Cour de céans a été saisie en date du 06 Septembre 2020, de diverses requêtes à savoir :
– Une (01) requête commune du PDCI-RDA, du GPS, et de Messieurs BEDIE Konan Henri et SORO Kigbafori Guillaume
– Une (01) requête du FPI
– Deux (02) requêtes de EDS
– Une (01) requête de Monsieur SOKO Waza Théophile
– Une (01) requête de Monsieur BEDIE Konan Henri
Ces requêtes ont en commun de contester l’éligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020, d’où le lien de connexité certain qu’elles présentent.
C’est pourquoi, la haute juridiction de céans est exceptionnellement priée, en application des pertinentes dispositions de l’article 117 du Code de procédure civile, commerciale et administrative, d’ordonner préalablement la jonction de toutes ces procédures suivies contre Monsieur Alassane OUATTARA en contestation de son éligibilité et ce, pour une bonne administration de la justice.
Aussi et par les présentes, Monsieur Alassane OUATTARA entend apporter une juste réplique aux allégations des requérants, encore faut-il que leur requête respective franchisse le cap formel de la recevabilité.
I- EN LA FORME : SUR LA RECEVABILITE DES REQUETES PRESENTEES
Aux termes de l’article 56 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral :
« Dès réception des candidatures, celles-ci sont publiées par le Conseil Constitutionnel. Les candidats ou les partis politiques les ayant investis éventuellement, adressent au Conseil Constitutionnel leurs réclamations ou observations dans les soixante-douze heures suivants la publication des candidatures.
Le conseil constitutionnel procède au contrôle de l’éligibilité des candidats et à la vérification des parrainages des électeurs, conformément aux dispositions du code électoral. A cet effet, le Conseil Constitutionnel met en place un dispositif de vérifications des parrainages. Les modalités de fonctionnement de ce dispositif sont fixées par le Conseil Constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats après vérification de leur éligibilité.
Il arrête et publie la liste définitive des candidats quarante-cinq jours avant le premier jour du scrutin. »
Il s’infère du premier alinéa de cette disposition, qu’à peine d’irrecevabilité :
– La saisine du Conseil constitutionnel aux fins d’observations sur l’éligibilité procède, comme souligné à juste titre dans la requête de Monsieur BEDIE Konan Aimé Henri et autres, d’une action attitrée pour n’être ouverte qu’aux seuls candidats à l’élection présidentielle, ou aux partis politiques les ayant éventuellement investis.
– La requête du demandeur doit être introduite dans les soixante-douze heures à compter de la publication, par le Conseil constitutionnel, de la liste provisoire de candidature.
Si pour être intervenues le 06 Septembre 2020, ces requêtes ont le mérite d’avoir été introduites dans les délais légaux, leur recevabilité reste toutefois assujettie à la qualité à agir de leur auteur, laquelle reste tributaire de la qualité, soit de candidat, soit de parti politique légalement constitué comme tel et ayant investi une personne retenue comme candidat.
La recevabilité ou l’irrecevabilité de ces requêtes procèdera d’une interprétation stricto sensu des dispositions de l’article 56 alinéa 1er de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral, précisément de la notion de « candidat », mis éventuellement en lien avec la personne morale qui l’a investi.
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que, s’agissant d’une action attitrée et non banale, le candidat recevable à formuler des observations à l’encontre d’une autre candidature, doit nécessairement être celui dont la candidature a été préalablement jugée recevable par le Conseil constitutionnel comme conforme aux dispositions légales, et / ou les partis politiques ou le parti politique qui l’a éventuellement investi.
Cela est d’autant avéré qu’aux termes des dispositions cumulées de l’article 55 alinéa 3ème de la Constitution et 43 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral, le « candidat à l’élection présidentielle » reste celui dont la candidature est conforme aux conditions prescrites à cet effet.
Autrement dit, tout requérant dont la candidature n’a pas été préalablement reçue comme telle, ne peut espérer se voir admis à faire des observations sur une autre candidature.
A défaut, une telle action se muerait nécessairement en une action banale au contraire de la volonté du législateur, avec le risque de conférer des droits attachés à une qualité préalablement établie, à des personnes qui n’en ont pas droit.
En d’autres termes, pour recevoir l’un quelconque de ces requérants en sa requête introduite contre Monsieur Alassane OUATTARA, la haute Cour de céans est priée de s’assurer préalablement de ce que :
– Soit ce requérant a été retenue comme candidat à l’examen de ses pièces.
– Soit la candidature de la personne investie par le parti politique requérant, a été retenue après examen des pièces de ce dernier.
A cet égard :
1- Relativement à la requête 004/2020/EP présentée par Messieurs BEDIE Konan Henri, SORO Kigbafori Guillaume, le PDCI-RDA et GPS
S’agissant de Monsieur BEDIE Konan Henri
Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 50 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral, sont inéligibles (et donc ne peuvent être retenus comme candidat) à l’élection présidentielle, notamment les membres du Conseil constitutionnel qui n’ont pas cessé leur fonction six mois avant l’ouverture des candidatures.
Or, la candidature de Monsieur BEDIE Konan Henri intervient moins de quatre (04) mois suivant sa renonciation à ses fonctions de membre de droit du Conseil constitutionnel en sa qualité d’ancien président de la République, ladite renonciation étant expressément intervenue, ainsi que ce dernier ne peut valablement le nier, seulement courant Juillet 2020.
Dès lors qu’il en résulte manifestement l’impossibilité juridique pour ce dernier à être candidat, sa requête à l’encontre de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA doit être rejetée comme irrecevable.
S’agissant du PDCI-RDA
Le PDCI-RDA, parti politique légalement constitué, déclare fonder sa qualité à agir dans le cadre de sa présente requête, sur son investiture de Monsieur BEDIE Konan Henri, postulant à la candidature à l’élection présidentielle.
La recevabilité d’une telle requête restant cependant assujettie à la qualité de candidat préalablement établie de Monsieur BEDIE Konan Aimé Henri.
Dès lors que ce dernier ne peut valablement, ainsi que ci-dessus démontré, être admis en qualité de candidat à cette élection, la requête du PDCI-RDA ne peut qu’être rejetée comme irrecevable.
S’agissant de Monsieur SORO Kigbafori Guillaume
Aux termes des dispositions combinées des articles 55 alinéa 3 de la constitution, 48 et 49 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral, ne peut être candidat à l’élection présidentielle, notamment toute personne non inscrite comme électeur sur la liste électorale.
Il est cependant manifeste, ainsi que relevé dans sa propre requête, que Monsieur SORO Kigbafori Guillaume n’a pas la qualité d’électeur pour n’être pas inscrit sur la liste électorale.
Aussi est–il parfaitement illusoire pour ce dernier de prétendre, comme allégué dans sa requête, à sa réinscription sur la liste électorale par le truchement du Conseil constitutionnel, cette juridiction n’en ayant pas ce pouvoir qui relève de la compétence, soit de la Commission électorale indépendante, soit du Tribunal d’instance saisi sur recours à cet effet.
Dès lors que Monsieur SORO Kigbafori Guillaume n’a pas la qualité d’électeur, sa requête doit être rejetée comme irrecevable pour défaut de qualité à agir.
S’agissant du GPS
Pour s’être présenté non pas en tant que parti politique au sens de la loi de 2013 sur les partis politiques, mais plutôt un mouvement politique et citoyen dont la capacité à ester à justice n’est d’ailleurs pas établie, le GPS ne peut assurément avoir qualité à agir aux fins des présentes en application de l’article 56 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral susvisé.
La recevabilité de la requête en contestation introduite par le GPS étant assujettie à la qualité de candidat préalablement établie de Monsieur SORO Kigbafori Guillaume, et dès lors que ce dernier ne peut valablement, ainsi que ci-dessus démontré, être admis en qualité de candidat à cette élection, la requête du GPS doit être rejetée comme irrecevable.
2- Relativement à la requête 005/EP/2020 présentée par EDS
EDS qui se présente dans sa requête comme une plateforme politique, avec pour siège social tantôt à Abidjan Riviera Anono (selon les dires de sa requête), tantôt à Yopougon Cité Mamie Adjoua (selon les mentions des pieds de page de sa requête), déclare justifier sa qualité à agir dans le cadre de cette action, uniquement par le dépôt par ses soins, « de la candidature de son référent politique Monsieur Laurent GBAGBO ».
Une telle requête, à la lumière de l’article 56 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral susvisé, sera purement et simplement rejetée comme irrecevable, la qualité à agir n’étant ouverte, s’agissant de personne morale, qu’aux partis politiques ayant investi un candidat à l’élection présidentielle, et non aux plateformes politiques.
En tout état de cause, Monsieur Laurent GBAGBO ne pouvant être admis en qualité de candidat parce que non inscrit sur la liste électorale, il va de soi que EDS ne peut légalement espérer avoir qualité à se déterminer ainsi qu’elle entend.
Il s’infère de tout ce qui précède que la requête de EDS est manifestement irrecevable pour défaut de qualité à agir.
3- Relativement aux requêtes 003/EP/2020 présentée par Monsieur SOKO Waza
Sauf à Monsieur SOKO Waza de voir sa candidature retenue comme conforme aux dispositions légales, sa requête introduite contre la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA doit être rejetée comme manifestement irrecevable, en application de l’article 56 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral.
4- Relativement à la requête 006/EP/2020 présentée par le FPI
En tant que parti politique, le FPI justifie sa qualité à agir par son investiture de Monsieur AFFI N’Guessan Pascal, également postulant à la candidature à l’élection présidentielle.
A cet égard, sauf validation préalable de la candidature de ce dernier comme conforme aux dispositions textuelles, la requête du FPI doit être rejetée comme irrecevable pour défaut de qualité à agir.about:blank
Mais si par extraordinaire la haute Cour de céans entendait se déterminer autrement, en jugeant notamment qu’une telle action pourrait être ouverte à toute personne ayant manifesté une intention de candidature, ou tout parti politique ayant simplement déclaré investir le parrainage d’un quelconque de ces derniers, elle rejettera tout de même comme irrecevables les requêtes respectives de GPS et de EDS pour défaut de qualité, faute par ceux-ci de justifier de leur qualité de parti politique doté de la capacité juridique.
En tout état de cause, en ce qu’elles reposent pratiquement sur les mêmes moyens et arguments, toutes ces requêtes qui visent le rejet de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA, sont parfaitement mal fondées.
II- SUBSIDIAIREMENT AU FOND : DU MAL FONDE DE TOUTES CES REQUETES
Ces requêtes ont en commun de présenter pratiquement les moyens et arguments ci-contre la candidature contestée de Monsieur Alassane OUATTARA, à savoir :
– Que cette candidature méconnaîtrait les dispositions des articles 55 alinéa 1er et 183 de la Constitution du 08 Novembre 2016, et 43 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électorale.
– Qu’une telle lecture serait partagée par de nombreux juristes et constitutionnalistes parmi lesquelles des experts rédacteurs de cette constitution.
– Qu’au total, cette candidature consacrerait la possibilité d’un intolérable troisième mandat au bénéfice de Monsieur Alassane OUATTARA, en violation selon eux, du principe constitutionnel et impératif de deux mandats consacré en Côte d’Ivoire depuis la constitution du 1er Août 2000.
De tels moyens et arguments, pour être parfaitement inopérants (A), ne peuvent cependant ébranler la légalité de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020 prochain (B).
A- De l’impertinence des moyens et arguments présentés par les requérants
Les requérants prétendent que les dispositions des articles 55 alinéa 1er et 183 de la Constitution du 08 Novembre 2016, et 43 alinéa 1er de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral constitueraient un barrage à la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020 et ce, pour avoir exercé deux mandats à la tête de la Côte d’Ivoire entre 2010 et 2020.
Le développement ci-après conduira, sans aucun doute, la haute Cour de céans à rejeter comme manifestement inopérants, les moyens et arguments développés par les requérants.
1- Sur le moyen tiré de l’article 55 de la constitution du 08 novembre 2016 et 43 alinéa 1er de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électorale
Les requérants font valoir que la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA viole l’article 55 de la constitution du 08 novembre 2016 en ce que cette candidature consacrerait un troisième mandat en violation de la disposition de l’article 55 susvisé qui dispose : « …Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois ».
Attendu cependant qu’aux termes de l’article 184 de la constitution du 08 novembre 2016 : « …la présente constitution entre en vigueur à compter du jour de sa publication par le Président de la République.
Elle est publiée au Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire ».
Il résulte de l’analyse combinée de ces deux dispositions que la constitution du 08 novembre 2016 qui a été adoptée par voie référendaire, quoiqu’affirmant le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux pour l’avenir, du fait du principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle, n’a pas attendu conférer à l’article 55 alinéa 1er un effet rétroactif.
En effet, nulle part dans les dispositions transitoires de ladite constitution, le constituant n’a expressément prévu cette possibilité qui lui est pourtant juridiquement reconnue.
Cela est d’autant plus vrai que cette constitution qui a été promulguée le 08 novembre 2016, ne peut légalement produire ses effets à l’égard de tous, y compris les Juges, qu’à compter de cette date et pour l’avenir.
Faute d’avoir expressément prévu une disposition transitoire faisant rétroagir ses effets sur les candidatures aux élections présidentielles antérieures à son avènement, le mandat en cours du Président Alassane OUATTARA ne peut être pris en compte dans le décompte du nombre de mandats présidentiels, celui-ci ayant été exclu du champ de la constitution du 08 novembre 2016.
Aussi et contrairement aux allégations de certains des requérants, les dispositions de l’article 179 de la constitution du 08 novembre 2016, plaident plutôt en faveur de ce que le constituant n’a pas entendu reconduire les dispositions de l’article 35 de la défunte constitution du 1er Août 2000.
En effet, si tel était sa volonté, il se serait expressément déterminé ainsi qu’il a fait à travers les pouvoirs présidentiels conférés, sous ce nouvel ordre juridique consacré par la nouvelle constitution, au Président élu sous la défunte constitution.
Au total, le principe de l’effet immédiat de la constitution du 08 novembre 2016 et l’absence de mention expresse incluant le mandat en cours dans le champ de celle-ci, légitime immanquablement et légalise la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.
En tout état de cause, le candidat à l’élection présidentiel tel qu’institué par l’article 35 de la défunte constitution du 1er Août 2000, est distincte de celui ayant cours sous la constitution présentement en vigueur et ce, au regard des conditions y respectivement fixées.
Il convient dès lors, de rejeter cette prétention comme mal fondée.
2- Sur le moyen tiré l’article 183 de la constitution du 08 novembre 2016
Les requérants soutiennent que dès lors que l’article 55 susvisé reconduit les termes de l’article 35 de la défunte constitution, cela impliquerait la nécessaire prise en compte des deux mandats déjà exercés par Monsieur Alassane OUATTARA dans l’appréciation de la candidature de ce dernier et ce, en vertu de l’article 183 qui consacrerait la continuité législative en ces termes « La législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ».
Qu’ainsi, pour avoir exercé ces deux mandats suite à sa candidature respectivement reçue sous l’empire de l’article 35 de la défunte Constitution, Monsieur Alassane ne pourrait être candidat pour un autre mandat.
Attendu cependant qu’en se déterminant ainsi que dessus, précisément en interprétant cette disposition constitutionnelle transitoire comme reconduisant expressément les réalités d’une disposition constitutionnelle antérieure abrogée, dans celle équivalente de la constitution présentement en vigueur, les requérants ont manifestement erré.
En effet, l’article 183 ainsi logé dans le chapitre 4 de la constitution intitulée : « De la continuité législative » renvoie en réalité aux textes juridiques infra-constitutionnels, donc inférieurs à la constitution.
Ces textes juridiques que sont les lois, qu’elles soient ordinaires ou organiques, et les règlements qui avaient cours antérieurement à l’adoption de la nouvelle constitution du 08 novembre 2016, doivent lui être conformes.
C’est tout le sens de la notion de continuité législative consacrée par le chapitre 4 du titre 16 intitulé : « Les dispositions Transitoires et finales » de ladite constitution.
Or, l’article 55 de la nouvelle constitution évoqué pour justifier que Monsieur Alassane OUATTARA, candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, serait à son 3ème mandat n’est pas une disposition législative, elle est bien une disposition constitutionnelle, de sorte qu’un tel argument manifestement inopérant, ne saurait servir de fondement à une quelconque continuité de l’article 35 de la constitution ancienne du 1er août 2000 sur la limitation du nombre de mandats présidentiels.
A cet égard, c’est à pure perte que certains de ces requérants invoquent la décision n° CI-008/DCC/23-08/CC/SG rendue le 23 août 2018 par le Conseil Constitutionnel, laquelle ne saurait ébranler cette lecture de l’article 183 au regard des circonstances de sa prise.
En effet, cette décision n’est intervenue que pour combler le silence de la loi constitutionnelle en vigueur, s’agissant précisément des personnalités ayant pouvoir pour saisir le Juge constitutionnel pour le compte de l’Assemblée nationale.
C’est pour pallier ce silence que, conformément à ses attributions, le Conseil constitutionnel s’est déterminé d’autorité ainsi qu’il l’a fait, précisément en se fondant, dans ses motivations, sur cet article 183 pour faire renaître aux fins envisagées les dispositions article 95 de la Constitution du 1er août 2000 ;
Ainsi, en l’absence de tout silence de la loi comme c’est le cas pour les conditions d’éligibilité expressément prévues par l’article 55 de la constitution présentement en vigueur, c’est vainement que ces requérants appellent à leur secours la décision du conseil constitutionnel susvisé, celui-ci n’étant nullement adapté à la présente espèce.
Il échet de rejeter en conséquence cet autre moyen comme impertinent, encore et surtout qu’il est du pouvoir du juge constitutionnel de se déterminer ainsi qu’il aviserait relativement à sa propre jurisprudence.
3- Sur les arguments tirés des déclarations faites par Messieurs OURAGA Obou, SANSAN Kambilé, BLEOU Djézou Martin, Bruno KONE, Ibrahim CISSE Bacongo et le Président Alassane OUATTARA relativement à la candidature de ce dernier
Les requérants soutiennent que ces différentes personnalités notamment et surtout le Président Alassane OUATTARA a affirmé lui-même que : « … Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020 » tandis que tous les autres allaient dans le sens où, le candidat Alassane OUATTARA ne pourrait briguer aucun autre mandat après celui en cours ;
De telles déclarations, peu important leur solennité, ne peuvent cependant constituer une quelconque source du droit à même de lier le juge constitutionnel, chacun étant libre d’émettre toute opinion intellectuel sur un quelconque sujet.
D’ailleurs, certains autres leaders politiques que sont le Professeur Mamadou COULIBALY (Président du Parti Lider) et Monsieur Pascal AFFI N’Guessan (Président du FPI), indiquaient que : « Rien dans la nouvelle constitution promulguée le 08 novembre 2016 n’empêche le Président Alassane OUATTARA d’être candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ».
Ces déclarations sont encore vérifiables sur YOUTUBE sous le lien ci-après : https://www.youtube.com/watch?v=PXusrUqL84I, https://www.youtube.com/watch?v=_D8CDkTP1yM
Il convient en conséquence de rejeter de tels arguments des requérants comme inopérants.
B-De l’incontestable éligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA
La Constitution du 08 Novembre 2020 a effectivement consacré un nouvel ordre juridique d’où il ne peut, pour cette élection ci, résulter aucune candidature par dérivation telle que prescrite respectivement à l’article 55 alinéa 1er de la constitution en vigueur et 43 alinéa 1er du Code électoral.
Ainsi, l’éligibilité du candidat à l’élection présidentielle doit être à l’aune l’alinéa 2ème de l’article 55 de cette constitution, ensemble avec les autres dispositions de l’article 43 dudit Code électorale.
Or, aux termes de l’article 55 alinéa 2ème de la Constitution en vigueur, « le candidat à l’élection présidentiel doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement ivoirien, né de père ou de mère ivoirien d’origine. »
Cette disposition est également reprise par les termes de l’article 43 de l’Ordonnance N° 2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électorale qui prescrivent, en outre, d’autres conditions complétives et sine qua non d’éligibilité à l’élection du président de la République.
Dès lors que toutes ces conditions ont été entièrement satisfaites par Monsieur Alassane OUATTARA ainsi que l’attestent l’ensemble des pièces déposées au soutien de sa demande ou déclaration de candidature à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020, il s’induit aisément que Monsieur Alassane OUATTARA est parfaitement éligible à cette élection présidentielle.
Surtout qu’aux termes de l’article 56 alinéa 2ème du Code électoral, « le Conseil constitutionnel procède au contrôle de l’éligibilité des candidats conformément aux dispositions du Code électoral. » ; toute chose qui achève de convaincre de l’inefficacité des contestations abusivement élevées contre la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA.
La Haute Cour de céans est priée de décider tel.
Et ce sera justice.
PAR CES MOTIFS
Il est sollicité de la Haute Cour de céans :
Vu la constitution présentement en vigueur ;
Vu l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral en ses dispositions relatives à l’élection du Président de la République, notamment celles de l’article 56 alinéa 2ème ;
Vu la déclaration de candidature de Monsieur Alassane OUATTARA et l’ensemble des pièces produites à l’appui conformément à la loi ;
Vu la pertinence des moyens et arguments de défense exposés par Monsieur Alassane OUATTARA.
EN LA FORME
-Ordonner la jonction de toutes ces requêtes introduites en contestation de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA.
-Décider ce que de droit sur la recevabilité des requêtes présentées.
SUBSIDIAIREMENT AU FOND
-Rejeter toutes ces requêtes comme mal fondées.
-Déclarer recevable la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA comme conforme aux dispositions légales.
Sous toutes réserves,
Pour observation en réplique
Déposée le 10 Septembre 2020
Maître Abdoulaye Ben MEITE