Guerre entre la Russie et Ukraine : 12 questions pour comprendre les origines et les enjeux du conflit

Guerre entre la Russie et Ukraine : 12 questions pour comprendre les origines et les enjeux du conflit

25 février 2022 Non Par rhdp2019

Depuis ce lundi, l’armée russe s’est installée dans le Donbass, territoire ukrainien. Entre l’Ukraine et la Russie, le conflit semble proche. Racine de la crise, risque de guerre mondiale, troupes en présence, enjeux économiques… En douze questions, La Dépêche du Midi vous aide à y voir plus clair.

Quelles sont les racines du conflit entre l’Ukraine et la Russie ?

Ancienne république soviétique devenue indépendante en 1991, l’Ukraine est un « état-tampon » située entre la Russie et l’Europe. Ses 44 millions d’habitants sont divisés : la majorité est pro-occidentale, alors qu’une minorité, russophone et habitant à l’Est, est dite « pro-russes ». En 2005, l’élection du président pro-occidental Viktor Iouchtchenko marque les débuts du rapprochement entre Kiev, l’Union-Européenne et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (alliance militaire créée en 1949 pour contrer « la menace soviétique »). En 2010, le nouveau président, Viktor Ianoukovitch, « pro-Moscou », refuse de signer l’accord d’association avec l’UE.

Cette décision déclenche, en 2014, la révolution pro-européenne de Maïdan, violemment réprimée par les forces de l’ordre (environ 80 morts), mais qui finira par conduire à la chute du président Ianoukovitch. Une destitution considérée comme un « coup d’État » côté russe. Toujours en 2014, la Russie décide de soutenir les séparatistes de l’est du pays qui viennent de proclamer la République populaire de Donetsk, puis celle de Lougansk. La guerre du Donbass éclate alors. Vladimir Poutine en profite aussi pour annexer la Crimée, péninsule ukrainienne sur la mer Noire. Annexion qui sera approuvée par une écrasante majorité de la population locale (plus de 96 %) à l’issue d’un référendum condamné par la communauté internationale. Dans le Donbass, la situation se calme en 2015 avec les accords de Minsk qui actent le cessez-le-feu et rend possible pour les deux régions concernées de bénéficier d’un statut autonome au sein de l’État ukrainien.

Pourquoi la situation s’est-elle aggravée ces dernières semaines ?

Depuis 2020, l’Ukraine prend de plus en plus part aux exercices conjoints de l’Otan, ce qui est vécu comme une provocation côté russe. Ceux-ci affirment que les Occidentaux ne respectent pas « la promesse » qu’ils auraient faite de ne pas étendre l’Otan vers l’Est. Le dernier exercice, en mer Noire, a mis le feu aux poudres. D’après Carole Grimaud Potter, « Vladimir Poutine a alors décidé de masser ses troupes à la frontière pour exercer une pression et réunir, autour de la table, les Etats-Unis et l’Otan pour discuter d’une nouvelle stratégie de sécurité européenne ».

« Au mois de décembre, le courrier envoyé par Poutine aux Américains est resté lettre morte, raconte l’experte. À l’époque, les Etats-Unis et l’UE se sont contentés de faire avancer la diplomatie sur la question du Donbass où le conflit perdure malgré les accords de Minsk. Ils ont pensé que régler ce problème était la condition première pour parler de sécurité européenne. Mais, en attendant, les points clefs des Russes – c’est-à-dire la non-expansion de l’Otan à l’Est et la garantie que l’Ukraine et la Géorgie y entreraient jamais – ont été refusés catégoriquement par l’Otan. Les points les plus importants pour Vladimir Poutine ont donc été ignorés. Ce dernier a décidé de laisser ses troupes à la frontière et c’est là que le ballet diplomatique a commencé et que les Etats-Unis ont rapidement parlé d’invasion. »

Quelles sont ces zones séparatistes du Donbass ? Pourquoi sont-elles courtisées ?

En reconnaissant l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk de Lougansk, Vladimir Poutine a déclenché l’indignation de la communauté internationale. Ces deux territoires séparatistes pro russes – autoproclamées « République populaire », en 2014, à la suite de deux référendums – se situent dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. La zone connaît des conflits depuis huit ans entre séparatistes pro-russes et Ukrainiens. Conflits qui ont déjà fait plus de 14 000 morts.

Ces Républiques autoproclamées sont disputées car très importantes économiquement : elles abritent de nombreuses mines de charbon. Combinées, elles s’étendent sur près 8000 m2 (la Corse en termes de superficie) et ont sensiblement le même nombre d’habitants : entre 1,5 et 2 millions. Si les accords de Minsk, signés en 2015, ont officiellement mis fin aux affrontements, les violations du cessez-le-feu se sont poursuivies. La guerre du Donbass est en réalité une guerre hybride qui ne s’est jamais arrêtée.

En reconnaissant ces Républiques autoproclamées, Vladimir Poutine a-t-il mis à mal les accords de Minsk ?

La reconnaissance des deux entités séparatistes par le président russe entrave ces accords et laisse planer la menace d’une avancée de la ligne de front vers l’Ouest. « Cette reconnaissance va surtout permettre à la Russie d’installer des bases militaires dans l’Est de l’Ukraine, affirme la professeure Carole Grimaud Potter. C’est vrai que, depuis 2014, il était évident que les Russes soutenaient les séparatistes militairement, mais elle le niait. Là, ça sera visible et officiel. Les troupes russes vont entrer sur le territoire avec une mission de maintien de la paix. »

L’arrivée de troupes russes dans ces territoires suite à leur reconnaissance par la Russie, peut-elle être considérée comme une « invasion » russe en Ukraine ?

Selon Joe Biden, la décision prise par Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des républiques séparatistes du Donbass et d’y envoyer son armée consacre « le début d’une invasion russe ». Pour Carole Grimaud Potter, en revanche, on ne peut pas parler à ce jour d’invasion : « Même si les premiers convois russes ont été aperçus à Donetsk, ce n’est pas une invasion militaire. La région était déjà sous influence de la Russie qui y livrait des armes, de manière non officielle. »

Si les Russes envahissent l’Ukraine, risque-t-on une guerre mondiale ?

Il existe « une possibilité réelle de guerre en Europe », a affirmé, ce dimanche, Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis. L’Allemagne a, de son côté, accusé la Russie de mettre en danger la sécurité de l’Europe avec des « exigences datant de la Guerre froide ». L’inquiétude monte chez les Occidentaux.

« Une guerre mondiale ? Je crois que c’est très très exagéré, répond Carole Grimaud Potter. L’invasion de l’Ukraine militairement est, selon moi, la dernière des options côté russe. Vladimir Poutine laisse encore la possibilité à l’Ukraine de s’asseoir autour d’une table. Diplomatiquement parlant tout n’est pas fermé. » D’après l’experte, la Russie n’entrera pas en conflit direct avec l’Ukraine : « L’opinion publique russe ne suivra pas son Président. Ce sont deux choses différentes de soutenir un peuple pro-russes en y envoyant des troupes pour un maintien de la paix et de déclarer la guerre à un peuple cousin. »

Combien de soldats sont-ils aujourd’hui engagés dans le conflit ?

Les Américains estiment qu’il y aurait entre 169 000 et 190 000 soldats russes en Ukraine et à proximité. Côté ukrainien, après avoir annoncé « ne pas avoir besoin » de soldats étrangers pour faire face à la Russie, le président Zelensky a déployé près 100 000 militaires à ses frontières. Il a également enrôlé la réserve et des civils. Le Pentagone a, lui, annoncé qu’il allait envoyer « dans les prochains jours » 3 000 soldats américains supplémentaires en Pologne pour « rassurer les alliés de l’Otan ». Cela viendra presque doubler l’effectif américain dans ce pays qui, habituellement, en accueille environ 4 000.

Y a-t-il des militaires français engagés ?

« Non, les troupes françaises le plus proches sont en Roumanie, assure Carole Grimaud Potter. Mais vous avez des combattants civils français non-enregistrés qui sont partis combattre dans le Donbass. En 2014-2015, il y avait des groupes d’extrême droite qui étaient partis prêter main-forte aux Ukrainiens. À mon avis, en ce moment, d’autres groupes doivent s’organiser ou être déjà sur place. »

Si la guerre n’est finalement pas une option, que cherche Vladimir Poutine ?

« Les troupes continueront de rester aux frontières, pense savoir Carole Grimaud Potter. L’un des scénarios possibles est de mettre de l’huile sur le feu dans cette Ukraine très instable pour y déclencher un K.O, des heurts internes. Une sorte de balkanisation de l’Ukraine qui permettrait de donner le beau rôle à la Russie qui interviendrait pour y maintenir la paix. »

Les sanctions peuvent-elles être efficaces contre les Russes ?

Les pays occidentaux ont commencé à frapper la Russie au portefeuille. La mesure la plus forte pour le moment a été annoncée par Berlin, qui a gelé le gazoduc Nord Stream II reliant la Russie à l’Allemagne et a promis que des sanctions européennes « massives et robustes » suivraient.

« La Russie est sous sanctions depuis 2014, rappelle la spécialiste du monde russe. Elles ne lui font pas peur. Le Kremlin sait les contourner et en tire même certains profits comme dans l’agriculture. Malheureusement, je ne vois pas trop comment un changement de politique pourrait advenir de la part de Vladimir Poutine en raison de ces sanctions.

L’armement ukrainien est-il si désuet qu’on veut bien le dire ?

Concernant l’équipement militaire, les Russes possèdent davantage de matériel, plus moderne, que celui de l’armée ukrainienne. Pour autant, cette dernière « ne ressemble plus beaucoup à celle de 2014. Elle a été réformée et modernisée. Et puis, elle dispose d’armes apportées par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis. On a des missiles javelins américains, des armes ont aussi été fournies par les Pays baltes et la Pologne, l’Allemagne et la France aussi. C’est assez flou et pas très transparent. »

La Russie peut-elle lancer une « guerre du gaz » contre l’Europe ?

La question de l’énergie et du gaz en particulier est cruciale entre l’Europe et la Russie car elle porte une double dépendance. Le PIB russe repose à 30 % sur le gaz et le pétrole. Or l’Europe importe habituellement 40 % de son gaz de Russie par l’intermédiaire de Gazprom (30 % depuis janvier). La France, de son côté, importe 20% de gaz russe pour assurer son approvisionnement. Concernant les hydrocarbures, la Russie reçoit 50 % de ses devises de l’Europe dont la facture énergétique globale, avant la flambée des prix, était d’environ 300 milliards d’euros par an. Si l’une ou l’autre partie coupe le robinet, elle se tire une balle dans le pied. Certains analystes voient aussi dans la crise actuelle l’occasion pour les Etats-Unis de bloquer la fourniture de gaz russe à l’Europe afin de favoriser les intérêts américains sur un marché où le Qatar serait également grand gagnant.

Il existe aussi un versant nucléaire entre la France et la Russie qui pourrait donner lieu à rétorsion de la part de Moscou : de l’uranium français de retraitement est envoyé en Russie pour y être recyclé en Sibérie afin d’être réutilisé dans des centrales russes et françaises grâce à des contrats signés entre Orano (ex-Areva), EDF et l’entreprise publique russe Rosatom.

 

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