Quatre ans après la fin de la guerre civile, est-ce que la Côte d’Ivoire a chassé tous ses démons ?
Jean-Marc Simon : Mon sentiment est que beaucoup de démons ont été chassés. Je me rends régulièrement en Côte d’Ivoire depuis que j’ai quitté mes fonctions il y a trois et je dois dire qu’à chaque fois je suis surpris, agréablement surpris, par les avancées de ce pays dans tous les domaines. Et je crois que l’on est en droit d’espérer un deuxième miracle ivoirien pour les années qui viennent.
Alassane Ouattara fait campagne sur la Côte d’Ivoire «pays émergeant» : il y a de nouveaux ponts, de nouvelles autoroutes mais ses adversaires répliquent qu’il y a toujours autant de chômage et de pauvreté ?
C’est vrai que le problème social est un problème difficile et ce n’est pas du jour au lendemain que les fruits de la croissance produisent des résultats. Mais ce qui est important, c’est que cette préoccupation est prise en compte et il faut un certain nombre d’année de croissance pour qu’il y ait une visibilité dans le domaine social. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire est assez spectaculaire et je ne le dirais pas pour tous les pays…
Donnez-moi un exemple ?
Vous avez toute cette diaspora qui revient dans le pays et ça c’est extrêmement parlant. Vous avez des gens qui ont été formés en Europe ou aux Etats-Unis, qui ont fait les études les plus brillantes et qui aujourd’hui acceptent de venir travailler en Côte d’Ivoire, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.
Et est-ce que les investisseurs étrangers reviennent en Côte d’Ivoire ?
Les investisseurs reviennent absolument, dans tous les domaines, et pas uniquement des investisseurs français. Des investisseurs des pays émergeants, des investisseurs des pays asiatiques, des pays arabes. Je crois que c’est un peu la nouvelle frontière pour le 21ème siècle.
Le racket sur les routes, est-ce que ce n’est pas la preuve que malgré ses promesses, le régime d’Alassane Ouattara n’arrive pas à venir à bout de la corruption ?
Evidemment la corruption est un problème, il y a une lutte qui est menée et sans doute faut-il que les efforts aillent plus loin dans les années qui viennent, mais on ne lutte pas aussi facilement, aussi rapidement contre les mauvaises habitudes.
Sur le plan politique, beaucoup ne supportent pas que Laurent Gbagbo reste en prison et entendent boycotter la prochaine présidentielle. N’est-ce pas un germe de division ?
Je considère que la société politique ivoirienne est apaisée depuis quelques années. Nous allons avoir une élection présidentielle dans quelques semaines. Il y a deux anciens Premiers ministres, un ancien président de l’Assemblée nationale, un ancien ministre des Affaires étrangères qui sont candidats, donc je crois que la démocratie est véritablement en marche. Il y a aujourd’hui, deux grands pôles, deux grands mouvements : d’un côté le RHDP, qui est une formation libérale et puis, de l’autre, le FPI qui est sorti de ses cendres sous la présidence de Pascal Affi N’Guessan et le LIDER de Mamadou Koulibaly, qui sont deux mouvements finalement assez proches et qui sont de tendance progressiste, voir socialiste. Ces deux pôles qui sont dénués de toute connotation ethnique, montrent une évolution politique qui, à mon sens, est extrêmement encourageante.
Entre Ouattara, Banny, Affi N’Guessan, Mamadou Koulibaly, Essy Amara, KKB et les autres, est-ce que la France a une petite préférence à votre avis ?
Je crois que la France n’a aucune préférence et n’a pas à s’immiscer dans ce jeu là.
Oui mais en 2014, la visite officielle de François Hollande à Abidjan, a ressemblé à une véritable lune de miel entre les deux présidents. Est-ce qu’au nom de la stabilité, François Hollande ne soutient pas Alassane Ouattara ?
Les relations entre Alassane Ouattara et François Hollande sont à ma connaissance excellentes et c’est normal puisque le président Ouattara est un chef d’Etat qui compte en Afrique occidentale et que la vision, l’expérience d’Alassane Ouattara, sont très précieuses pour le président de la République française.
Pendant cette visite, François Hollande a conseillé au FPI, Pascal Affi N’Guessan de ne pas boycotter la présidentielle de cette année ?
Mais on n’a jamais intérêt à boycotter, personne n’a intérêt à boycotter.
Et ce conseil de Hollande à Affi N’Guessan, c’est exactement ce que souhaitait Alassane Ouattara qui a besoin d’avoir des poids lourds en face de lui pour que l’élection à venir soit la plus démocratique possible. Est-ce que ce conseil de Hollande à Affi N’Guessan n’était pas une sorte de coup de pouce à Ouattara ?
Il faut savoir ce que l’on veut ! Ou on veut un débat démocratique avec des gens qui participent. On ne peut pas à la fois souhaiter que les élections se passent de manière transparentes, que toutes les sensibilités soient représentées et puis reprocher ensuite à tel ou tel d’inviter les gens à participer au débat.
Jean-Marc Simon, vous êtes un diplomate français à la retraite depuis trois ans, vous êtes donc consultant et on vous a dit très proche d’Alassane Ouattara. Et puis aujourd’hui, certains publient sur la toile un rapport au vitriol contre le régime d’Alassane Ouattara qui serait incapable de réconcilier les ivoiriens, un rapport que vous auriez écrit et signé en mars dernier à l’intention de Thierry Lataste, le directeur de cabinet de François Hollande. Qu’en est-il ?
J’ai vu comme vous ce document, je crois qu’il n’aura échappé à personne qu’il s’agit d’un faux grossier. D’abord parce que l’Etat ne fonctionne pas de cette manière. Les particuliers ne font pas de note à la DGSE et la DGSE ne les publie pas et puis d’autre part chacun, vous l’avez dit vous-même, connaît ma relation de proximité et l’admiration que j’ai pour le président Ouattara. Donc ce sont des méthodes que je qualifierais de crapuleuses et qui mériteraient probablement des actions en justice parce que la désinformation, le mensonge, c’est tout de même assez scandaleux, je dois dire.
Mais cette note existe-t-elle ?
A ma connaissance, elle n’existe pas, je n’en ai jamais entendu parler, pour ma part.