L’Afrique centrale face à l’épineuse question des groupes armés et groupes terroristes
1 mars 2015Comme une danaïde, les problèmes sécuritaires de l’Afrique Centrale connaissent des origines de plus en plus diversifiées. Groupes armés dans la région des Grands Lacs, Groupes terroristes tel Boko Haram qui gagne du terrain vers le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique, ces maux semblent ne pas avoir de remède.
Une tribune internationale de Philo Makiese
Comme une danaïde, les problèmes sécuritaires de l’Afrique Centrale connaissent des origines de plus en plus diversifiées. Groupes armés dans la région des Grands Lacs, Groupes terroristes tel Boko Haram qui gagne du terrain vers le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique, ces maux semblent ne pas avoir de remède.
La solution viendra-t-elle d’une union de forces des pays concernés ? Le 16 février 2015, s’est tenue à Yaoundé, au Cameroun, une session extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX), à l’effet d’adopter une stratégie sous-régionale de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. Cette session extraordinaire a fait suite à la Concertation des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC qui s’est tenue à Addis-Abeba, le 1er janvier 2015, en marge de la 24ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine. Six chefs d’Etat ont pris part à cette rencontre : Idriss Deby du Tchad, Paul Biya du Cameroun, Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville, Teodoro Obiang Nguema de Guinée Equatoriale, Ali Bongo Ondima du Gabon, Catherine Samba Panza de Centrafrique. Au terme de ce sommet, les têtes couronnées d’Afrique centrale ont décidé de créer un fonds d’urgence de 50 milliards de FCFA à reverser en soutien à l’effort de guerre, au Cameroun et au Tchad, deux pays d’Afrique centrale en proie au terrorisme de Boko Haram.
Pendant que Boko Haram massacre « en paix » du Nigeria jusqu’en Centrafrique, en passant par le Tchad et le Cameroun, les groupes armés continuent à dévaster la sous-région des Grands lacs.
La RDC dans une situation inquiétante
Lorsque le 16 mai 1997 le Maréchal Mobutu quittait précipitamment Kinshasa pour un exil sans fin, face à l’avancée de hordes rebelles hétéroclites conduites par Laurent Désiré Kabila, peu d’analystes politiques avaient entrevu le chaos que connaîtrait par la suite le Zaïre de l’époque, actuellement République Démocratique du Congo. Ce chaos n’a pas épargné la région des Grands Lacs d’Afrique, qui se retrouve engluée dans d’interminables problèmes de sécurité que des chapelets de Sommets, conférences et rencontres de tous genres n’arrivent à résoudre.
Les différentes armées qui avaient alors accompagné Laurent Désiré Kabila (Rwanda, Ouganda, Erythrée, Burundi…) ont laissé sur les terres congolaises, particulièrement dans sa partie orientale, leurs substituts mués à ce jour en groupes armés qui y sèment la désolation.
En 1994, quand le Conseil de sécurité des Nations Unies autorise l’opération « Turquoise », sous le commandement français, on croit naïvement que le génocide au Rwanda et son corolaire de déplacement des populations en déshérence au Zaïre va prendre fin. Que nenni. Ce fut en fait la naissance de l’hydre qui va déstabiliser cette région pendant un quart de siècle. Les Interhamwe, ex-combattants rwandais, se transformeront en FDLR et autres groupes armés qui sévissent au Congo aux côtés des ADF NALU ougandais, les groupes armés présents dans l’Est de la RDC compteraient actuellement entre 6500 et 13000 membres actifs. Le plus important de ces groupes est la milice hutu des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), forte de 2400 à 4000 hommes. Son équivalant Tutsi, le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), a été largement intégré aux forces armées de la RDC (FARDC) ces dernières années, bien qu’une administration parallèle continue de contrôler ses membres. Il compterait actuellement entre 1000 et 2000 membres non intégrés. On recense par ailleurs de nombreuses milices locales, généralement appelées « Mai-Mai » qui ne visent pour la plupart aucun objectif politique cohérent, mais qui ont été impliquées dans des activités criminelles de diverses natures.
L’est de la RDC est actuellement en pleine transition : la présence des groupes armés et la persistance des violences interpersonnelles incontrôlées contribuent à créer une situation qui s’apparente moins à une situation de conflit avéré qu’à une forme de désordre et d’impunité généralisés, caractérisés par la faiblesse d’institutions publiques incapables d’assurer la sécurité des populations et de leur fournir des opportunités de développement. Dans ce contexte d’impunité persistante, il est difficile d’apporter une réponse aux problèmes d’insécurité que connait la région.
Les groupes armés tirent ainsi directement profit de ce climat d’instabilité et ont donc intérêt à ce que l’insécurité perdure. On distingue deux grandes catégories de groupes armés en RDC : ceux dont les origines remontent au génocide rwandais, comme les FDLR et le CNDP, et ceux qui se sont constitués à des fins d’autodéfense, avant de se transformer en gangs se livrant aux pillages. Pour ces deux groupes, le contrôle d’un territoire est à la fois une fin en soi et un moyen de financer leurs activités. Aujourd’hui il est difficile de dire s’ils cherchent à se procurer des fonds dans le but d’étendre leur territoire ou si, au contraire, ils cherchent un territoire pour se procurer des fonds. Ont-ils besoin d’argent pour pouvoir poursuivre le combat, ou doivent-ils se battre pour continuer à gagner de l’argent ? Tout se tient et aucune hypothèse ne peut exclure l’autre. Dans l’un ou l’autre cas, la situation de conflit en RDC profite à plusieurs pays et sociétés internationales, comme l’indique de nombreux rapports, tant ils peuvent se procurer les matières premières du Congo à faible coût.
La Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale semble (enfin) sortir de sa léthargie et les chefs d’Etat de 3 pays, le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique, se réunissent pour prendre à bras le corps le problème posé par Boko Haram, dont les dernières attaques vendredi 13 février 2015 sur la presqu’île de Ngouboua sur les rives du lac Tchad ont fait 5 victimes et des blessés.
Quelle solution pour éradiquer les groupes armés en RDC ?
Il convient d’abord de constater que la situation à l’Est de la RDC s’apparente plus à une forme de désordre et d’impunité généralisés qu’à une situation de conflit avéré, aux motivations et intérêts divers comme le pillage et le commerce illicite des minerais permettant notamment de financer l’achat de munitions, ou simplement des actes criminels et violences liés aux problèmes sociaux.
Faut-il couper les vivres aux forces rebelles afin de s’assurer de la fin de la criminalité et de l’instabilité à l’Est de la RDC ? Cela ne ferait que déplacer le problème, d’après le rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) sur la criminalité et l’instabilité en Afrique centrale. Les groupes armés, privés de revenus miniers, « pourraient intensifier leurs opérations de braconnage, d’exploitation forestière ou de culture du cannabis. S’ils ne tiraient plus d’argent de tous ces marchés, les hommes armés sans autre source d’emploi se rabattraient probablement sur les cambriolages, les pillages ou les extorsions », précise le rapport. La solution militaire ne peut non plus à elle seule prétendre régler « les problèmes sous-jacents d’origine sociale ou juridique ». Il convient donc de renforcer le maintien de l’ordre par les forces de police formées et responsables dont les effectifs devraient être augmentés et une justice pénale opérationnelle. De même, il est nécessaire de restaurer l’autorité de l’Etat, de renforcer les institutions publiques pour qu’elles soient capables d’assurer la sécurité des populations et des biens, mais aussi de réguler le commerce des minerais.
Une contribution de Philo Makiese