Négationnisme
1 octobre 2015Par Venance Konan
N’est-il pas étrange qu’à l’approche de notre élection présidentielle, des livres, écrits par des Français, reviennent sur notre dernière élection, celle de 2010, en reprenant presque mot pour mot les thèses des gbagboïstes, quand ils ne s’en prennent pas directement au Président de la République ?
L’année dernière, c’était François Mattei, ancien journaliste à Minute, journal de l’extrême-droite raciste et xénophobe française, qui écrivait un livre sur la « vérité sur la crise selon Laurent Gbagbo ». Il y a quatre mois, Fanny Pigeaud qui avait déjà, en commun avec François Mattei, d’avoir écrit sur le Cameroun de Paul Biya, sortait, elle aussi, son brûlot, une autre version de la « vérité selon les gbagboïstes ». Elle avoue pourtant qu’elle n’a commencé à s’intéresser à notre pays qu’en 2012, et qu’elle n’a écouté qu’un seul camp. Maintenant, c’est Bernard Houdin, conseiller, selon lui-même, de Laurent Gbagbo, membre du Front national, le parti xénophobe et raciste créé par Jean-Marie Le Pen, qui s’en prend vertement au Chef de l’état ivoirien.
Honnêtement, quelle est la préoccupation des Ivoiriens aujourd’hui, à moins d’un mois de l’élection présidentielle ? Est-elle de savoir qui a gagné la dernière élection, ou plutôt qui gagnera la prochaine ? Pourquoi ces Français-là, avec ces pedigrees-là, tiennent-ils à réécrire notre histoire ? Pourquoi veulent-ils absolument nous ramener en arrière lorsque nous, Ivoiriens, avons déjà tourné cette page sombre de notre histoire et sommes tous engagés dans la reconstruction de notre pays, de notre avenir ? Que cherchent-ils ? À quoi rime ce négationnisme ? À piquer leurs derniers sous aux gbagboïstes, en leur faisant croire qu’avec ces livres, ils arriveront à faire libérer leur champion ? À plumer certains opposants en panne de programme, en leur faisant croire qu’avec ces livres, M. Ouattara sera discrédité et obligé de mettre en place une transition, le rêve de ses opposants ?
Ils nous racontent encore une fois, à longueur de pages, que M. Youssouf Bakayoko a donné en 2010 les résultats des élections hors délai, au quartier général d’un candidat, que c’est Paul Yao-Ndré qui avait le dernier mot en tant que président du Conseil constitutionnel, que dans le nord de notre pays, il y a eu de graves incidents, que l’on y a bourré les urnes, que Gbagbo se battait contre la Françafrique, etc. Nous n’allons pas revenir sur les arguments avancés par les nouveaux avocats de Gbagbo et de certains de nos opposants. Il n’y a pas pire sourd que celui qui refuse d’entendre, et de toutes les façons, les auteurs de ces livres ne recherchent absolument pas la vérité.
Rappelons-leur toutefois que lors de notre crise, de nombreux Chefs d’État ont défilé dans notre pays ou y ont dépêché des émissaires, rencontré toutes les parties, consulté tous les documents et ont conclu qu’effectivement le vainqueur était bien Alassane Ouattara. Gbagbo était le seul à penser qu’il pouvait avoir raison contre le monde entier.
Après qu’il a pris le contrôle de l’État, le Président élu de la Côte d’Ivoire a été aussi élu par ses pairs à la tête de la Cedeao. Ces derniers auraient-ils accepté de porter à la tête de leur organisation un imposteur imposé à son État par une force étrangère ? À l’évidence, l’objectif de ces personnes n’est pas de faire éclater une vérité, mais plutôt de jouer leur partition dans une stratégie de diabolisation du Président ivoirien et de la Côte d’Ivoire. Et les Ivoiriens, quelles que soient leurs opinions, devraient s’insurger contre ces méthodes mafieuses.
Notre pays vient de loin et nous avons payé très cher l’acharnement de Laurent Gbagbo à vouloir conserver coûte que coûte un pouvoir que nous lui avions refusé dans les urnes. Nous cherchons en ce moment à panser nos blessures. Alors, nous ne devrions plus accepter que des personnes cherchent à les rouvrir pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les intérêts de notre pays.
Si un groupuscule de partisans fanatiques de l’ancien Président et certains opposants, incapables de se projeter dans le futur, ont choisi de s’enfermer dans le passé, les Ivoiriens, dans leur large majorité, veulent se bâtir un avenir plus chatoyant. Même le Front populaire ivoirien (Fpi) de Laurent Gbagbo, avec à sa tête Affi N’Guessan, s’est inscrit dans cette dynamique. Il fait campagne pour convaincre les Ivoiriens qu’il est celui qui peut leur offrir cet avenir. Il n’est plus dans le débat puant et totalement inutile de savoir qui a gagné notre dernière élection. Ce qui l’intéresse, lui, aujourd’hui, c’est de gagner la prochaine élection. Pas la dernière. Nous ne devons pas laisser des personnes véreuses au passé trouble et militantes de partis racistes venir perturber notre processus démocratique.